Des changements importants, les
entreprises en connaissent plusieurs chaque année. Internes ou externes,
souhaités ou subis, ils portent sur l’organisation, les processus métier, la
masse salariale, le cadre de travail, et bien d’autres aspects du
fonctionnement de l’entreprise.
Or, chaque changement implique pour
ceux qui le vivent – l’ensemble des collaborateurs – de s’y adapter en :
• acceptant la fin d’une situation
• évoluant jusqu’à intégrer
entièrement la nouvelle situation
ex : dans un déménagement des locaux
de l’entreprise, chaque employé a besoin d’accepter le départ des anciens
locaux et d’intégrer pleinement l’idée de travailler dans les nouveaux. La
seconde étape ne peut être finalisée sans la première.
Ce cheminement passe par plusieurs
étapes, selon la désormais célèbre « courbe du changement »
ou « courbe du deuil »; elle est issue des travaux d’
Elisabeth Kübler-Ross, psychiatre et psychologue suisse classée en 1999 par
«Time magazine» parmi les cent plus importants penseurs du XXe siècle.
Selon les personnes et le contexte,
ces étapes sont vécues de manière plus ou moins longue, et avec une intensité
variable.
Quelles sont les étapes de la courbe du changement/deuil ?
On y distingue 2 grandes phases :
• d’abord une phase descendante qui s’accompagne d’une attitude
négative et contre-productive, tournée vers le passé et le refus.
• ensuite une phase ascendante où l’attitude est productive
et tournée vers le futur et le positif
1. CHOC – SIDÉRATION
Le changement a été annoncé, il est
vécu comme brutal par l’employé. Sa première réaction est le choc, il est
sidéré ex : à l’annonce du départ imminent du directeur commercial, l’équipe
commerciale est sans voix.
2. DÉNI – NÉGATION
« Ce n’est pas possible. »
« Je ne peux pas le croire »
« Non, pas lui quand même… »
« ça ne peut pas être définitif »
Le déni est
d’autant plus fort que le changement touche à quelque chose d’important. Il
évite à celui qui s’y accroche, de commencer son travail de deuil (étape 3).
ex
: le directeur commercial était emblématique et très apprécié de son équipe.
3. COLÈRE
Sortie du déni, la personne fait face
à la réalité qu’elle ne peut accepter.
Un sentiment d’injustice, une colère,
souvent une recherche du responsable de son inconfort (dans une posture de
victime).
ex : « Ils l’ont poussé à partir, ils sont allés trop
loin », ou « Il nous abandonne, il n’a pas le droit. »
4. PEUR
La colère était encore une manière de
ne pas affronter la réalité.
Cette étape passée, c’est la peur qui se
manifeste face à la situation présente et future :
peur de l’inconnu, peur de
l’inconfort, peur de difficultés nouvelles, peur de ne pas être à la hauteur
etc.
Période de stress et de grande anxiété.
ex : « Mais comment on va
faire sans lui ? Et s’ils ne le remplacent pas rapidement ? Tu te rends compte
du travail qui va nous tomber dessus ? » « Et si le nouveau veut
remanier notre équipe, changer nos méthodes, on va devoir tout
recommencer! »
5. TRISTESSE
Début de l’acceptation, prise de
conscience pleine de ce qui a été perdu et du caractère définitif de la perte
Regrets et nostalgie
ex : la personnalité du directeur commercial, ses
méthodes de travail, sa vision ; les habitudes de l’équipe autour de lui ;
l’aboutissement d’années de collaboration…
Une étape décisive mais
délicate en entreprise : la tristesse peut y prendre la forme de l’abattement,
du découragement, de la nostalgie. Elle croit progressivement jusqu’à la
« dépression ».
Paradoxe de cette étape : elle donne
l’impression d’aller vers le pire, alors qu’elle clôt la descente et mène au
renouveau ! C’est l’étape de transition vers la phase ascendante. Un déclic au
cours de cette phrase annonce la fin de la descente et le début de l’ascension.
— fin de la phase de descente, début
de l’ascension —
6. ACCEPTATION
La personne qui vit le deuil change
de regard : elle se tourne vers l’avenir et essaye de « faire
avec ».
Elle n’est plus enfermée dans le deuil, le mouvement en avant
devient possible.
ex : moment où l’équipe commerciale s’organise pour
pallier l’absence du directeur, et imagine son successeur. « C’est difficile
mais on devrait y arriver sans lui », « Peut-être que son remplaçant
sera aussi bien ? »
7. PARDON
Etape qui prolonge la précédente,
avec deux temps :
• le pardon à soi-même (on se libère de la culpabilité)
• le pardon aux auteurs de la perte (compréhension, justification)
ex : « De toute façon il a fait
un beau chemin avec nous, il avait le droit de partir »
8. QUÊTE DE SENS ET DE RENOUVEAU
La personne trouve des bénéfices à la
nouvelle situation. C’est la révélation du cadeau caché : « grâce à …, j’ai pu…
». Sans ce changement elle n’aurait pas connu ces bénéfices.
ex : le départ
du directeur a permis de souder l’équipe commerciale qui se réjouit de cette
nouvelle cohésion.
9. SÉRÉNITÉ & CROISSANCE
Le changement est entièrement
intégré, la page tournée, on regarde vers l’avenir.
Enthousiasme pour de
nouveaux projets.
ex : l’équipe commerciale développe une nouveau modèle de
vente, et accueille chaleureusement le nouveau directeur commercial à son
arrivée.
La « courbe du deuil » est
le processus naturel par lequel passe un collaborateur qui fait face à un
changement soudain dans son quotidien professionnel.
En connaître les phases permet de comprendre les résistances
et le temps d’intégration (variable selon les personnes) et d’accompagner les
personnes dans ce processus ; on peut ainsi mieux conduire le changement.
D’après Jacques-Antoine Malarewicz,
spécialiste de l’approche systémique, les changements dans les entreprises se
succèdent actuellement à un rythme trop rapide pour que les employés
puissent compléter les étapes de la courbe du deuil : un changement chasse
l’autre.
Or, « les deuils non faits peuvent coûter cher à l’entreprise
car ils favorisent une forme de nostalgie (« C’était mieux avant »)
et empêchent les salariés de se mobiliser sur l’avenir. »
[Jacques-Antoine
Malarewicz - "Petits deuils en entreprise", Pearson, 2011]
Carole Ruvira